Amertume : la Douceur Fatale ou le Goût Exquis de (Petite) Mort
Quand on parle de la cuisine, on y donne volontiers le ton joyeux, doux, conviviale, chaleureux, en somme quelque chose de positif.
Et si on parlait maintenant de son côté obscure ? Puis que c’est le négatif qui fait exister le positif (et vice-versa).
Que peut donc être le goût négatif qui fait sortir le positif ?
L’Amertume.
À entendre déjà le mot, il nous fait faire la grimace. Cependant ce goût mal aimé a sa place importante, voire sublimatoire, dans la cuisine. Dommage que l’on ne s’y intéresse pas assez.
La cuisine est vitale pour nous. Quand on dit vital, il s’agit de la vie mais aussi de la mort. L’amertume est celui qui rappelle la mort, le poison. Nous le rejetons immédiatement et instinctivement.
Question de survie. L’amertume: à fuir.
Mais les choses ne sont jamais si simples que ça. Surtout quand on est un être « complexe » comme « humain ». On aime se frôler au danger, faire un pari avec, curieux de noirceur…hum....mais ne vous en faites pas, ça a l’air ainsi de développer un sujet inquiétant, mais au contraire.
Des petites morts renforcent la vie, les sages (vous et moi inclus) le savent. De temps en temps, laissez-vous succomber aux petites morts, c’est exquis.
Il n’y a que des naïfs qui ne veulent que la lumière, alors que sans le noir, elle n’existerait pas.
L’amertume est un goût négatif, noir, par son éventuelle dangerosité, mais aussi par sa capacité du terreau-base, noir fertile, qui fait naître (ou met en contraste) par la suite, d’autres goûts, surtout le sucré.
Il est présent dans des alcools, le café, le chocolat, souvent dans les herbes : pissenlits et d’autres plantes d’air montagnard.
Le café et le chocolat sans sucre, ils laissent une répercussion comme arrière goût sucré, et pour cela il ne faut être abruti de précipiter sur une grande quantité, ni trop fréquente.
Vous savez que certains « goûts de poison» peuvent nous séduire trop en rendant dépendants, « toxicomanes »… Attention!
Oui, «l’infime dose maîtrisée», c’est bien cela, le coup de maître, le charme noir, le mystère et la noblesse de l’amertume. Contrairement d’autres goûts, il n’a pas la vocation de la nourriture substantielle, mais un apport du « plaisir », une gourmandise pure gustative, comparable au rôle des herbes aromatiques.
Ce plaisir est d’autant plus profond puis qu’il s’agit d'une appréciation acquise après une initiation (le club fermé pour les enfants et les non-initiés).
L’amertume, dans la cuisine de plaisir, son but ultime est d’arriver indirectement au sucré. Plus précisément à l’essence de sucré (comme l’huile essentielle qui apporte l’air sans le corps).
Pouvez-vous imaginer un goût de salive sucré remontant après une amertume passée. Il n’est pas un sucré solide concret, mais envoûtant et fascinant pour ne pas dire hallucinant.
L’amertume se métamorphosant en "la douceur", là, on est proche de l’expérience spirituelle par voie gustative.
Et une allusion philosophique de la vie, cet alternatif de l’amertume et la douceur...
Mais bon, on ne peut pas vivre que de plaisir ou de spirituel, ou de leçons morales, il faut bien nous nous occupons de notre bonne chair et bons os.
Ce n’était qu’une introduction qui met dans l’ambiance pour le prochain article où je présenterai quelques mets amers.
En attendant que la table de Diogène vous invite à tenter par ses Noirs Délices…
Liens vers les recettes:
Amertume suite : Muk de Glands de Chêne et Thé Kuding
Amertume suite : Thé Vert - Sucremment bon, Amèrement bon
Amertume - Suite: Ginkgo biloba ou Arbre aux quarante écus
J’ai trouvé un super « Traité Amer » sur le site de Fureur des Vivres, si vous êtes intéressés, allez lire.