Restaurant coréen Manna Paris 15e
Les cuisiniers travaillant dans un pays étranger exécutent un travail délicat pour faire aimer la cuisine de son pays par les palais locaux n’étant pas habitués à la nouvelle saveur.
D’un autre côté, certains cuisiniers négligent la qualité et l’authenticité en profitant cette méconnaissance.
Une cuisine exotique 100% authentique est difficilement accepté par les autochtones. Comprendre leurs habitudes gustatives et y adapter tout en gardant l’authenticité est une tâche indispensable du cuisinier étranger.
Moi-même, vivant depuis longtemps en France, j’ai vu le grand écart de préférences alimentaires entre ma culture et la Française. Cette différence est irréductible (la bouche est un organe la plus conservatrice), mais enrichissant, mon pas antipathique, si on reste « ouvert » et curieux. Car une nouvelle culture ne remplace pas l’ancienne, elles s’accumulent, exactement comme une nouvelle langue apprise qui ne déclanche pas l’oubli de l’ancienne. Plus on apprend, plus on apprend facilement : la magie de l’ouverture culturelle. On s’engraisse, spirituellement, bien entendu.
Il y a quelque temps j’ai eu un gros paquet, les guides de restaurants coréens dans 11 pays européens. Publiés par la Fondation de la Cuisine Coréenne, une institution ayant de grands moyens, ils sont globalement bien faits. Cependant un regard de proximité pourrait suggérer avec plus de précision de bonnes adresses coréennes à ceux qui cherchent l’authenticité. Car, certaines informations dans ces guides ne sont plus d’actualité et certaines observations sont sous- ou sur- évaluées.
Pour profiter en mieux la gastronomie coréenne, je vous décrirai les meilleurs (à mon critère) adresses coréennes avec des détails.
Je commence par le Restaurant MANNA.
Situé dans le 15e, l’arrondissement où la plupart de restaurants coréens est installé, ce restaurant se débrouille très bien son petit espace avec l’agencement efficace de tables et la décoration sobre.
Restaurant « correct » sans fantaisie au mauvais goût
En rentrant, ce sont les brevets professionnels du chef, exposés sur le mur qui m’ont attiré l’attention. Le chef maîtrise la cuisine coréenne, japonaise et occidentale (en Corée, à ma connaissance, il existe 4 brevets en cuisine, avec chinoise. En ce qui concerne « occidentale », quand même un peu trop simpliste).
Comme pour être fidèle aux techniques qu’il a apprises, le chef cuisine avec une « précision » sans trop de touche personnelle. Cette « normalité » est une chose rassurante et plaisante dans la mesure où la cuisine coréenne en étranger est très souvent déformée.
Les « Ban-chan », 4-6 mets en petites portions accompagnant les plats, sont les mets de base et un bon critère pour mesurer le savoir-faire du cuisinier. Ici, ils sont impeccables. Franchement, c’est eux que j’ai apprécié plus que les plats.
La cuisine coréenne, à la fois, minimaliste comme japonaise, et complexe comme chinoise, se corse ou s’épure selon les régions. MANNA vous propose des plats coréens standards, à mon avis, d’une vraie tradition. Car en Corée depuis quelques années, les restaurants font les courses frénétiques de sursaturer la cuisine avec des saveures fortes pour attirer les clients. La vraie tradition culinaire est étouffée par cette offensive. C’est un vrai problème sociétal qui est long à expliquer. J’aimerais un jour consacrer un billet sur.
J’ai choisi pour l’entrée, Jokbal, pieds de porc à la vapeur et légumes (15€). Très copieux, il peut être servi pour deux personnes. Les pieds sont préparés à la façon similaire au fromage de tête. La texture élastique gélatineuse est spéciale. Je l’adore. On en fait un aumônier avec une feuilles de salade, ainsi l’équilibre entre la viande et le légume est parfait.
On a le choix entre deux sauces, l’une piquante et l’autre, minuscules crevettes saumurées fermentées. La combinaison de sauces crevettes fermentées et de porc, très appréciée en Corée, est une rencontre explosive de l’effet « umami ». C’est un délice addictif, mais attention, la saveur de cette sauce fermentée est très « caractéristique ».
ou sans sauce, pourquoi pas (mais, mieux avec)
une fine tranche d'ail (bien sûr vous pouvez ne pas le mettre)
Le piment vert et l’ail apportent les parfums allégent la lourdeur de gras de porc. Mais en réalité, le pied de porc, avec beaucoup de gélatine, n’est pas si gras que l’on le pense. Mesdames, la gélatine vous fait jolie peau, profitez-en.
Le mariage d’ail-porc-poisson fermenté, quoi que divinement délicieux, n’est pas top à prendre lors d’un déjeuner d’affaire ou d’un dîner galant, car l’odeur de l’ail cru….
Le plat, Bulgogi de poulet à la sauce piquante (15€). Voilà un plat d’une des saveurs caractéristiques de la Corée. Sucré, salé, pimenté, tout le monde aime. Bien exécuté.
Les « Ban-chan », je les ai vraiment aimés (offerts avec le plat).
L’assaisonnement de chaque ban-chan est juste, donnant une impression d’exécution propre et sans excès comme à la maison.
Commençant haut à gauche ; aubergine vapeur assaisonné- Tofu frit sauce légèrement relevée -Véritable pousses de soja (Pas de pousses de mungo ! merci chef, SVP, maintenez ce choix même si ça coûte bien plus cher.)
Bas à gauche : julienne de pomme de terre sautée, souple et craquant – tiges d’ail sautés (c’est aussi un choix très coréen) – kimchi, bon.
Mon ami a pris Bibimbap chaud avec œufs de poisson et son bol de soupe de nouille (17€). Un plat japonisant avec Udon. Pas mal sans grand enthousiasme. Personnellement, je ne trouve pas pertinent de manger du riz et les nouilles côte à côte.
Nous avons accompagné le repas avec Sansachun, alcool coréen à base de riz gluent aux baies d’aubépine, titre 14% (16€- 375ml). Légèrement amer et sucré, personnellement, j’aime bien avec la cuisine coréenne. Le palais français préférerait plus tôt le vin sans trop de tanin.
(Pour information : un vrai gars coréen prendrait du Soju, alcool blanc assez fort (minimum 20 %), surtout avec le pied de porc !! Le résultat : il finit par chanter ou faire une déclaration d’amour qu’il n’osait pas jusqu’alors.)
Le dessert, le maillon faible de la cuisine asiatique !
Le chef fait tout de même l’effort de monter la carte dessert avec quelques pâtisseries autour du parfum thé vert. Je n’attends pas grande surprise sucrée dans un restaurant coréen. Néanmoins, j’ai commandé Galette de riz chaud avec glace au thé vert et aimé pas mal la texture moelleuse de la galette grillé, par contre, la glace posée dessus a fait durcir une partie de sa pâte. Pourquoi la glace ne pouvait pas se placer à côté ? Une raison esthétique sans doute. Faudra trouver une solution. La glace était au parfum thé vert, non pas glace au Matcha (poudre de thé vert). Ce dernier serait bien meilleur, mais 5€, à ce prix-là, c’est acceptable.
Restaurant Manna
44, rue de Lourmel 75015 Paris Tel : 01 45 78 80 09
Chef : Chung-soon KO