Umami * Plus qu’une affaire de protéine, c’est une affaire d’azote
Hélas, nous ne sommes pas le maitre de la terre. Nous ne faisons qu’une partie des êtres organiques et non-organiques qui sont extraordinairement imbriqués et impliqués dans un tissage d’équilibres.
Cette coexistence terrestre peut être aussi evident comme des vaches broutants et, à côté, nous en train de emprunter un chemin campagnard qu’invisible comme des bactéries habitant en nous. Installés paisiblement dans notre corps, les bactèries nous tiennent en bonne santé.
La famille de bactérie Brevibacterium est la source de l'odeur de pieds, de la saveur de certains fromages et de la fabrication industrielle du glutamate (GMS)
Ai-je dit que les hommes ne sont pas le maître du monde ? Le pire, c’est l’hypothèse de certaines scientifiques qui doutent si nous ne sommes que des « hôtes », des supports de bactéries pour leur survie ! Cette théorie n’a pas l’air complètement absurde, quand on pense à leur nombre (environ 10 fois plus nombreux que le nombre de nos cellules !), leur histoire d’existence (c’est eux les premières vies sur terre, les indigènes de la terre !), leur capacité d’adaptation aux environnements changeants, et leur omniprésence.
Dire que nous sommes des locataires sur la terre des bactéries ! !….Alors, pensons à tenir une bonne relation avec les souverains du lieu pour faciliter la vie.
Les bactéries qui nous occupent nous sont indispensables. Dés la premiere second après la naissance, le nouveau-né est envahi par toute sorte de bactérie et il se défend, pour commencer, avec l’aide de sa maman qui lui donne de bon lait, instaurateur du système immunitaire.
Comme la nature ne pratique pas de favoritisme, de mauvaises bactéries ont ainsi autant de droit que les bonnes bacteries. Le corps entre alors à un combat perpétuel jusqu’à la fin de sa mission, c’est-à-dire la mort, pour garder l’équilibre entre le bien et le mal. (Pas de gagnant et ni perdant le matche nul signifie la bonne santé).
Si on dit qu’il faut consommer les aliments vivants, c’est pour maintenir cet équilibre.
Qu’est ce que les aliments vivants ?
Ce ne sont pas seulement des produits crus, mais des nourritures normales, non-aseptisés et non-asphyxiés sous les emballages industriels. Donc, tous les nourritures « normales » dans une consommation « normale » devraient être, en principe, des aliments qui nous sont bénéfiques, donc, vivants.
Il y a tout de même quelques « supers aliments» qui sont particulièrement doués à renforcer les hommes. Parmi, les produits de fermentation occupent une place importante.
Pourquoi ai-je commencé les billets sur le sujet de l’umami par un titre « Le goût du cadavre » ? Pourquoi me faut-il évoquer la fermentation pour décrire la saveur umami ?
Les informations données actuellement sur ce cinquième goût restent simplistes, descriptives et superficielles, voire commercialse. Il lui manque une dimension plus fondamentale, c’est-à-dire sa place dans l’alimentation des hommes.
Mon objectif de l’analyse de l’umami est de localiser ce « goût de protéines » dans nos mémoires en tant qu’animal mangant-mangé dans le cycle de la Nature.
Le goût physiologique de l’umami, s’il agirait purement de l’acide glutamatique (l’AG) comme on le décrit souvent, n’est pas très bon. Entre le goût légèrement acide, insipide et douçâtre avec un air graisseux, il est, à la limite écœurant. Dans un milieu salé, idéalement avec 0,5% de salinité, l’AG devient agréable. En réalité, au cours d’une alimentation habituelle, on n’a presque pas d’occasion de goûter l’AG seul, et le terme « umami » désigne couramment un goût composé de plusieurs molécules biochimiques qui rappelle le goût de la viande. Bien qu’il existe des légumes comprenant les agents umamiques, la représentation de l’umami fini par évoquer la viande. La viande qui se consomme après plusieurs traitement, c’est-à-dire, la maturation, la cuisson et éventuellement, le séchage et la fermentation, obtient finalement bien plus de l’AG que des légumes.
L'algue kombu est très riche en l’AG (1,600mg de l’AG dans 100g de kombu), mais sa portion d’usage habituelle reste tres petite, entre quelques grammes et quelques dizaines de grammes, son apport de l’AG est donc beaucoup moins important qu’une viande.
Le fameux bouillon japonais « Dashi » par lequel le scientifique japonais Kikunae Ikeda a commencé ses recherches de l’umami est composé de l’eau, le kombu et les copeaux de bonite fermenté qui est un poisson de chair rouge. Ce « fond » savoureux est la base de la cuisine japonaise entrant dans beaucoup de préparation presque toujours accompagné de la sauce de soja ou du miso, produits fermentés du « soja » qui est aussi riche en protéine que la viande.
Malgré l’universalité du goût umami (l’omniprésence dans la cuisine de tous les pays du monde), s’il y a un lien particulier avec la cuisine asiatique, c’est que les asiatiques emploient moins de viande, et cela souvent en bouillon. Notamment, le Japon qui a vécu 1,200ans de l’abstinence de la viande de mammifère ne peut qu’être sensible, plus que les autres, à la présence d’un goût de viande.
Alors ce cinquième goût se caractérise comme celui de viandes, champignons, fruits de la mer, et des produits fermentés, fromages, sauce de poisson, sauce de soja, kimchi, miso etc. Dans la pluspart de cas, il s’exprime par une combinaison de plusieurs molécules biochimiques.
J’en enumere ici quelques éléments qui le concernent de manière directe et indirecte.
On note l’acide glutamique, l’acide inosinique et l’acide guanylique comme principales résponsables de l'umami.
Ces éléments sapides entrent ainsi dans la composition de toutes sortes d’exhausteurs de goût fabriqués industriellement. Le glutamate monosodique (GSM) en est représentatif. L’additif E635 est le mélange de deux exhausteurs, le sel sodique de l'acide inosinique et le sel sodique de l'acide guanylique. Il amplifie la saveur de l’umami en synergie avec le glutamate monosodique.
Quand la viande rassie est bien meilleure que celle de juste après l’abattage, c’est qu’elle gagne, à part l’AG, les nucléotides comme l’acide inosinique et l'adenosine monophosphate (AMP). Ce dernier, masquant le goût amer, sucre le goût. L’acide inosinique est le premier nucléotide formé lors de la biosynthèse des purines. L’adénine et la guanine sont aussi les molécules dérivées des purines.
Effectivement, les aliments riches en goût umamique correspondent aux aliments riches en purines : Levure de bière, thé, cacao, viandes, alcools, fruits de mer, anchois, gibier, abats, consommés, bouillon de viande, asperges, épinards, pois, lentilles, sauces, fromages, etc.
Au cours du métabolisme, la purine, une molécule azotée est dégradée et excrétée en acide urique dans l’urine.
L’acide lactique qui participe à la sensation de l’umami, se forme lors de la maturation des muscles après la mort d’un animal. Le goût de laitages fermentés ou de légumes fermentés provient de cet élément chimique.
La raison de lever un tel nuage des vocabulaires biochimiques, c’est pour établir le lien entre le goût umamique et le cycle de l’azote.
L'azote, composé essentiel à de nombreux processus biologiques, se retrouve entre autres dans les acides aminés constituant les protéines. C’est-à-dire il se trouve là où il y a la vie, surtout à l'état de déchet : excréments des animaux, cadavres, restes des végétaux comme fumier (dont le purin s’écoule). Il est par suite prêt à retourner à la terre, l’eau et l’air pour redevenir la nourriture des bactéries et des plantes qui redeviendront eux-mêmes nourritures des animaux qui redeviendront en cadavre ainsi de suite…
L’acide glutamique n’est sapide qu’en état « LIBRE », c’est-à-dire, les proteins dégradées (décomposées). Par conséquent, l’umami, qualifié comme goût des proteins, serait plus précisément, le goût des décompositions de proteins : plus qu’une affaire de protéine, c’est une affaire d’azotes.
Dans le cycle de la nature en chaîne alimentaire, pour qu’un état change à un autre, il faut passer par la biosynthèse et la dégradation : dégradation partielle (catabolisme faisant partie du métabolisme), excrétât, ou dégradation entière (mort). L’élément capital qui intervient dans ces processus d’enchaînements est l’azote.
L’azote signifiant « sans vie » est le chaînon entre un bœuf vivant, animal attachant qui nous attendrit, et sa viande, objet nourrissant si appétissante par sa bonne saveur. On ne mange pas l’animal, mais on mange sa viande. Ce n’est pas un simple jeu de mots, mais ce qui rend possible le cycle de la chaîne alimentaire.
Ce propos est encore moins une justification d’un mangeur de viande, ni pour effacer l’animal derrière un morceau de bifteck. C’est tout contraire.
J’ai l’impression que l’apparition de ce 5e goût a un goût quelque peu soupçonnable.
À mon point de vue, l’umami est une clé importante pour comprendre quelques grands caractéristiques de l’alimentation de notre époque. Y sont concernés la souffrance des animaux, l’expansion du secteur agro-alimentaire, l’aseptisation et la fermentation des produits alimentaires.
Je développerai ces enjeux aux prochains billets. À suivre.
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