Soins du sel pour une meilleure lacto-fermentation (avec cadeau nigari maison)
Quel type de sel à vos préparations de fermentation ?
Vous choisirez sans hésiter le sel de mer non-raffiné pour la raison « bon à la santé ». C'est un bon réflexe, mais quand on est gastronome ayant l'exigence de goût, l'histoire peut être un peu différent. En fait, il existe le sel "affiné" ou "vieilli".
Sel de mer utilisé dans la fabrication de Doen-jang (Miso) (source image)
Comparé à la montée récente de l'intérêt sur la lacto-fermentation, le sel, lui, manque encore de notre attention. Pourtant le choix de sel n'est pas moins important que celui de l'aliment à saler.
La sauce de poissons, la sauce et la pâte de soja fermenté, les kimchis, et d'autres légumes et viandes en saumure, tout cela commence par la préparation du sel pour un meilleur résultat. Ce n'est pas vraiment une étape indispensable à un simple curieux, mais ça l'est pour un passionné ou un artisan expérimenté en fermentation.
La fermentation est un processus de catabolisme de matière vivante (dégradation moléculaire). Ici la « fraicheur » perd son supériorité en faveur de l'état « vieux », altéré.
Savez-vous que le sel se bonifie lui-même en vieillissant ? En Corée où la fermentation occupe la place la plus importante dans l'art culinaire, le sel est un objet hautement soigné. Un bon sel est obtenu après 3 à 5ans de vieillissement enfin adouci son caractère vif. Les microbes et les particules qui sont comprises naturellement lors de la récolte du sel se décomposent et s'affinent durant des années en donnant au sel la douceur et la complexité de gout. Le sel y gagne déjà son umami.
Marais salants de Guérande (source Wikipédia)
Marais salants de Shinan, Corée (source image)
Pendant ce soin d'affinement, se diminue le chlorure de magnésium devenant liquide en contact avec l'air au fil du temps.
La méthode salicole coréenne est en partie différente à celle d'ici en France. Une fois obtenu le sel par l'évaporation sous le soleil, en France, on laisse les tas de sel (mulons, camelles) en plein air durant une certaine durée pour faire évaporer l'eau, cela laissant les minéraux résiduels.
Selon la méthode coréenne, après le ramassage, le sel sera sans attendre stocké dans les salorges fermés ou conditionné dans les sacs non-étanche ( de pailles jadis, de fibres plastiques aujourd'hui), ainsi, l'eau mère ne s'évapore pas, mais plutôt « coule ». L'objectif de ce traitement est de débarrasser le chlorure de magnésium (MgCl2) avec l'eau durant des années.
Le MgCl2 est un composée chimique très amère, l'eau ainsi coulée du sel est appelée bittern (amére) en anglais, kansu (eau salée) en coréen, nigari (amère) en japonais. Cette solution sert par exemple pour coaguler les protéines de soja dans la confection de tofu.
Sel avant (gauche) et après (droite) la séparation du nigari (chlorure de magnésium)
Apres le passage de l'eau, le sel est devenu légèrement plus clair et moins collant
Le chlorure de magnésium n'est pas une mauvaise chose en soi. La médecine alternative indique même qu'il est bénéfique à la santé et ça se vend comme complément de santé.
On peut dire qu'il est dommage d'eliminer ces minéraux bénéfiques. C'est vrai, mais, personnellement, je sacrifierai volontairement une partie de mon sel à l'echange de la délicieuse fermentation. D'autant plus que la quantité ainsi éliminé n'est qu'une petite partie par rapport l'ensemble.
Dans la fabrication des fermentés au sel, la quantité de sel ne se compte plus en « pincée », mais en quantité significative. L'amertume du sel peut être palpable et nuire considérablement à la qualité gustative de la fermentation. Surtout pour les condiments fermentés où le umami est recherché, l'amère peut être néfaste.
Notez que le sel blanc raffiné industriellement n'a rien à voir avec ce sel "affiné" qui comporte la plus part de ses minéraux. Le sel raffiné industriel est débarrassé de tous les élément sauf le chlorure de sodium, celui qui sale. Il n'attribue nullement au goût sucré sans lequel on peut pas parler de la fermentation réussie. De plus, il a une tendance de ramollir la texture de l'aliment fermenté.
Pratique
Bon, j'achète 20kg de sel et laisse reposer dans un coin, et on en reparlera dans 3 ou 5ans, hein ?
Eh... c'est un peu loin quand même... mais pourquoi pas, les vrais passionnés oseront le commencer dés aujourd'hui...? Surtout s'ils se dispose un endroit pour les déposer. De mon coté je vais bientôt tenter avec le sac de 5kg, laisser autant que je peux...
En attendant, dans l'immédiat, nous pouvons vérifier cette histoire du chlorure de magnésium amère et nous amuser d'obtenir le nigari maison pour faire du tofu maison très facilement.
Ingrédients
Un sachet de 1kg de gros sel de mer (j'ai pris le sel Guérande)
Eau à arroser (de source ou de robinet)
un socle
un réceptacle
Trou d'evacuation (bas)
Ouverture (haut)
Sachet du sel debout
Posé sur un socle
Eau écoulée (nigari) autour du petit carré de socle
Premier soin du sel pour la lacto-fermentation (Obtention du nigari)
-Faites deux fentes (moins de 1 cm) à l'aide des ciseaux en découpant les deux coins bas du sachet de sel (par où l'eau arrosée sera évacuée, mais le sel ne tombe pas)
-Ouvrez largement le haut du sachet
-Posez le sachet debout sur un socle pour que l'eau écoulée tombe
-Tassez légèrement les graines de sel pour aplanir la surface
-Arrosez lentement 100ml d'eau au petit filet sur la toute la surface accessible du sel (mais ne remuez les graines de sel)
-Laissez jusqu'à ce que toute eau a coulée à travers les cristaux de sel, et évacuée par les deux trous
-Récupérez cette solution (Goutez, c'est amer, c'est du nigari !) et conservez pour prendre comme complément santé (à boire dilué) ou confectionnner du tofu
Puis deuxième soin, le vrai est, apres le premier soin, de laisser le(s) sac(s) de sel de grande quantité (5-10Kg) pendant 1-5ans, posé debout dans un endroit ombré et frais, L'ouverture du haut fermé (mais pas hermétique non plus), les trous de bas restent ouvertes. Le sel respire, on peut même piquer de plusieurs petits trous partout, comme un sac tissé (Le sac en papier n'est pas bon car il se dépérit vite). Calez dessous du sac pour qu'il ne touche pas directement le sol.
Toutefois, il existe un soin expresse, c'est de laver le sel.
-En arrogeant le sel peu à peu 200-400ml d'eau (pour le sac de 1kg) en laissant couler l'eau par les trous au fur à mesure
-Laissez le sachet sur le socle jusqu'à ce que tout l'eau est écoulée, l'ouverture du haut fermé avec une pince
-Dans cette méthode expresse, l'eau fait fondre une petite partie de sel et il se perd durant l'arrosage (mais bon, on ne fait pas d'omelette sans casser des oeufs !)
Tofu maison
-Faites bouillir 1 litre de LAIT de soja nature (Non pas le boisson au soja. Vérifiez le fond de paquet du lait, il arrive que le dépôt assez épais est formé, récupérez-le)
-Quand il bout (attention ça déborde facilement) éteignez le feu
-5 seconde plus tard, ajoutez 3-5 c à café du nigari et remuez 2-3 tours doucement
-Il coagule assez rapidement, laissez un moment reposer
-Versez doucement sur une gaze fine
-Laissez filtrer l'eau 1h ou plusieurs heures (vous pouvez serrer le linge pour accélérer l'évacuation d'eau
-Posez délicatement le contenu sur une assiette
-Assaisonnez par exemple avec de la sauce de soja dilué (le tofu est déjà salé), de l'huile de sésame et de la ciboulette
Coagulation et filtrage
J'ai obtenu environ 100g de tofu à partir de 1litre de lait de soja. Ce tofu a été très tendre, pas trop figé. Il faut manipuler avec le linge. Toutefois si vous le serrez plus fort la masse sera plus solide, mais dans tous les cas il ne sera pas aussi fermement aggloméré que celui de commerce.
Le « petit lait » coulée après le filtrage de tofu avait une certaine goût de noisette. Je l'ai incorporé dans un consommé au champignon.