Cheongguk-jang au parfum de France : soja fermenté aux foins
Le cheongguk-jang est une préparation coréenne de soja fermenté principalement par les bactéries bacillus subtilis. En Occident, elle est plus connue sous un nom japonais, natto.
Je mettrai bien plus de foin à la prochaine cuvée.
Le cheongguk-jang et le natto sont à l’origine la même chose. Avec le temps, ils se sont différenciés selon la méthode de fabrication.
Le premier est issu de la fermentation naturelle. Beaucoup de coréen concoctent leur soja fermenté fait-maison, ou achètent des produits artisanaux fabriqué selon la façon ancéstrale.
La version japonaise, natto, subit un traitement moderne, l’ensemencement par un ferment pur de « bacillus subtilis natto ». La plupart de natto vendu au Japon est fabriquée ainsi.
Autrefois, les Japonais aussi employaient la méthode traditionnelle, bien entendu.
Les avantages du ferment pur sont la rapidité de la fabrication, la facilité à manger - moins odorant, gentil comme celle du camembert industriel - et à mettre en circuit commerciale sans danger d’intoxication alimentaire grâce à sa pureté microbienne.
Vous pouvez acheter le ferment de natto via l’internet. La recette reste même que celle de cheongguk-jang (à la fin de l'article) en remplaçant les foins par la poudre de ferment.
En revanche, dans le processus de la fermentation naturelle, dite spontanée, il n’y a pas que la bacillus subtilis qui agit, mais il peut y avoir une certaine dose d’impureté, une co-existence avec d’autres microorganismes, ce qui engendre au final une diversité microbienne qui pourrait nous être bénéfique.
Quant à l’odeur, aussi libre que naturel, elle a du caractère.
Est-ce dangereux de manger un produit microbiennement non pur ? Si c’était le cas, tant de mangeur de fromages artisanaux auraient été victimes d’intoxication... A vous de juger.
Fait-maison
Alors peut-on profiter de la fermentation naturelle, et ce, tout en sécurité ?
Oui, c’est assez simple. La bactérie bacillus subtilis a une résistance thermique très élevée, elle survit même dans des températures de 100-120°C. En cuisant brièvement des pailles de riz, ingrédient traditionnellement utilisé comme vecteur de microorganismes, on débarrasse la plupart de microbe sauf la bacillus subtilis.
Cependant je préfère de vous avertir que si vous avez un moindre problème d’immunodéficience, soyez prudent de consommer des aliments fermentés. Demandez l’avis d’un médecin.
Fabrication sans paille de riz
Vous n’avez pas de paille de riz ? Et bien, moi non plus …
A défaut de cette denrée qui n’est pas facile à trouver en France hormis les régions rizicultrices, je faisait mon cheongguk-jang à l’aide des grains de riz complet. ça marche très bien, mais le problème, c’est qu’il est difficile de repêcher ces petits grains mélangés dans les soja, et pas très agréable sous la dent.
En fait, la bacillus subtilis est omniprésente, même dans l’air. Théoriquement, il est possible de ne rien ajouter dans le soja cuit pour le faire fermenter.
L’inconvénient dans ce cas est le risque du non-control total, c-à-d, d’avoir trop de microorganisme non-souhaitable.
De plus, sans l’ajout de boosteur, il faut laisser longtemps pour obtenir l’effet filant sur le soja. Pendant ce temps prolongé, l’odeur devient de plus en plus forte en allant vers ammoniaque.
Pas bête, même mieux
L’habitat de cette bactérie est effectivement quasi partout, mais notamment au sol. J’ai donc eu l’idée de tester des plantes séchées qui seraient faciles à trouver et sécurisantes au contact alimentaire, ainsi choisis les foins.
Et ça a bien marché ! Même mieux que les grains de riz complet.
Vous savez ce qu’il est bien dans cette démarche “naturelle”?
Un bon produit fermenté est un échantillon fidèle de son environnement. La méthode de cheongguk-jang m'a permit de prendre un bout de terre d’ici - mes foins proviennent de l'Ardèche. ça sent bon !
Si vous êtes très attaché à la localité, sachez qu’il existe du soja français aux marchés, mais rare. Sont plus courants l’italien, l’espagnole ou le chinois.
Le soja aux bacillus subtilis, soit en cheongguk-jang ou en natto, est grandement bénéfique pour nos intestins et notre microbiote. En en mangeant régulièrement une quantité raisonnable (20-30 g par jour), vous avez un allié de santé fiable !
Recette de cheongguk-jang
Lavez et laissez tremper vos fèves de soja toute une nuit dans une grande eau.
(Important) Faites les cuire 3-4 h jusqu’à ce que le soja s’écrase facilement à la pression de vos doits.
Durant la cuisson, surveillez qu’il y ait toujours de l’eau et que les fèves ne soient pas grillées. Réduisez bien le jus à la fin : soja bien humide mais sans nager dans son liquide. (Ce serait dommage de jeter ce jus gouteux.)
Éteignez le feu, mettez aussitôt une petite poignée de foins comestible (Sélectionnez des herbes plutôt longues pour faciliter à retirer plus tard) sur le soja et mélangez pour les cuire instantanément.
Etalez le mélange dans un récipient, en une couche ne dépassant pas 3 cm- il faut du contact avec l’air. Fermez la boite en calant du papier absorbant juste au-dessous de couvercle pour empêcher l’eau de condensation tomber sur le soja.
Laissez la boite sous une température entre 37-42°C, de 36 à 48 heures. (Je pense que ça peut suffire 24 heure avec une bonne quantité de foin)
Vérifiez de temps en temps si le duvet blanc de bactérie est bien installé, et faites bouger les fèves avec un ustensile propre pour voir si elles produisent du suc filant.
A terme, laisser la boite quelques heures à température ambiante, puis mettez-la dans le réfrigérateur 1 ou 2 jours avant de manger.
Pour une conservation plus longue, congelez-les.
Les Coréens en mangent principalement en cheongguk-jang jjigae, soupe épaisse qui est servie toujours avec du riz, elle se sert comme une sauce à napper.
La casserole en terre cuite continue à faire bouillir la soupe même après l’extinction.
Recette de cheongguk-jang jjigae
Je l’appelle “la soupe triple soja”, car elle contient, le tofu, le cheongguk-jang et le doenjang, pâte de soja fermenté de longue durée (de plusieurs mois à plusieurs années).
2-3 c. à s. de doenjang
1-2 c. à c. de gochujang
1 c. à c. de poudre d'algue dashima (kombu)
200 g de tofu (mi-ferme de préférence)
200 g de courgette émincée en épaisseur d’1cm
150 g de pomme de terre émincée en épaisseur de 0,5cm
50 g de ciboule émincée finement
3-4 c. à s. de cheongguk-jang
(facultatif) 1/2 à 1 c. à c. de gochugaru (flocon de poudre de piment)
Ingrédients de bouillon
20 g de anchois séché coréen
700 ml d’eau de riz (eau récupérée du 2 ème rinçage de riz : riche en amidon, elle apporte la douceur)
(Vous pouvez remplacer ce bouillon par celui de boeuf ou de légumes non-salés )
(Toute les cuissons se passent à mi-couvert en surveillant le débordement)
Videz (enlever les intestins) les anchois séchés, mettez-les dans une casserole, faites griller à sec 2 minutes sur feu moyen. Ajoutez l’eau de riz et portez à l’ébullition. Eteignez le feu laisser 15 -30 minutes, à couvert. Filtrez.
Découpez le tofu en carrées de 3 cm sur 1 cm d’épaisseur (moins épais pour le tofu ferme).
Dans une casserole, portez à l’ébullition le bouillon sur feu moyen-fort, prélevez-en et diluez-y le doenjang et le gochujang, remettez dans le bouillon et continuez la cuisson.
3 minutes plus tard, incorporez-y le tofu et la pomme de terre, puis la courgette 2 minutes plus tard, puis, la ciboule et la poudre de dashima 1 minute plus tard, remuez.
Éteignez le feu, mettez aussitôt le cheongguk-jang et remuez. Laissez reposez 1 minute. Saupoudrez le gochugaru. Servez chaud avec du riz nature.
Bonnes cultures !